Le Lion et le Rat


          Livre 2,  fable 11


Il faut, autant qu'on peut, obliger tout le monde :
On a souvent besoin d'un plus petit que soi.
De cette vérité deux fables feront foi.
Tant la chose en preuve abonde.
      Entre les pattes d'un lion
un rat sortit de terre assez à l'êtourdie.
Le roi des animaux, en cette occasion,
montra ce qu'il êtait, et lui donna la vie.
      Ce bienfait ne fut pas perdu.
      Quelqu'un aurait-il jamais cru
      qu'un lion d'un rat eut affaire ?
Cependant il advint qu'au sortir des forêts
      ce lion fut pris dans des rêts
dont ses rugissements ne le purent défaire.
Sire rat accourut, fit tant par ses dents
qu’une maille rongée emporta tout l’ouvrage,
       patience et longueur de temps
      font plus que force ni que rage.

                                                      Jean de La Fontaine

Délier la (ou les) langue(s), étude de fable


Bien entendu, s’« il faut », c’est obligé, et si c’est obligé « d’obliger »... l’aplomb de l’injonction est plutôt rude : un tel effort pour s’élever impose quelque aspiration à prendre son souffle face à la raideur de mots au bord de sens vertigineux.

Obliger, lier, créer du lien comme rendre service, étendre le réseau, entraîne dans une marche à suivre un rappel tendu comme une corde.

L’injonction, par une tournure impersonnelle de l’obligation, dans une application indéfinie étendue à la limite de ses capacités, ses forces ou la hauteur de ses moyens, à la nécessité « d’obliger tout le monde », impose sans délai la tension dans l'escalade de cette abrupte formation cristalline élevée d’exigence universelle intemporelle, assurée par la seule fermeté des liens noués dans l’histoire.

Culminant au terme sibyllin d’un paradoxe isolé, les brumes se dissipent sur les contours du sens d’obliger : dictature instaurée, servitude cachée, contrainte physique, lien de sang, pression directe, conscience réfléchie, s’obliger ou s’oublier, dans une réciprocité contractée capable d’opérer dans la relation au monde une forme d’accord discrète sans discussion.

En suivant ses quelques mots, attelés dans un couloir au sens glacé, le premier vers chemine vers son extrémité, avec vue dégagée sur tout le monde, mais après les deux points en suspens, point d’appui, le vide sur toute la ligne.

Dessous, écho de la désillusion d'une position dominante, « On a » aaà... àààààAAAAHHHhhhhhhh... la chute entamée de la considération soulagée d'être retenue par d'autres, balises dépassées depuis longtemps, ténues, négligées... « souvent besoin », remise au point convenue avec modération, sinon à regret. « Souvent » ce n’est pas toujours, mais c’est ici suffisamment fréquent pour être entendu comme une obligation constante et une nécessité instante, insistante, incessante, pressante même, pour tous.

Mais qui a envie de recommencer tout de suite pareille aventure ? Un plus petit peut-il assurer souvent une chute en rappel ? L’imprudence encouragée ! Bien ou mal tombé, plutôt changer de dimension : le poids de la morale assure qui retient, et dans cette course d’arête, permet de prendre le temps de se pencher sur la suite, sans perdre le fil de la fable auquel nous voilà suspendus.

Dignement précédé de quatre longs vers, le suivant solidement établi avec quatre pieds en moins formant piédestal, le lion est ici le premier des animaux à apparaître, imposant par ses pattes son incontestable préséance. Un grand, pas question de le toiser du regard, et à y regarder de près, l’espace est déjà pris par les pattes, avec le pouvoir des griffes, et des impératifs de désir comme d’un petit enfant... Les lions ont besoin de beaucoup de sommeil et de faire la sieste, d'ailleurs c'est très important pour grandir.

Se serait-il trouvé au rendez-vous dans l’intimé de la fameuse enseigne « Au lion d’or », dont l’hospitalité banale et l’hébergement rassurant protégeait autant des mauvais rêves que des insomnies, les jeunes parents qui le prononçaient comme variante d’une envie de sieste autant que d’un souhait de bonne nuit d’une banalité séculaire... Tout petit, j’étais déjà un grand lion, et les petits lions ne sont pas tous des lions sots même s’ils ne cessent de nous embobiner dans des jeux de mots.

Alors, entre les pattes, s’ouvre en surplomb un espace d’une imprécision lourde de sens sur des issues dont l’étroitesse peut causer quelques sueurs, l’affolement et la précipitation. « Entre les pattes » préposition de lieu pour un préposé à poste temporaire, pré ou post position du lieu des pattes où... entre encore le présent du verbe ?

Manquent des détails pour établir l’antériorité de la situation, il a quatre pattes, le lion, et s’il est étalé... Sorti entre les pattes n’est pas forcément sous son nez. Tombé « sous » sa patte porterait la griffe de la patte avant, mais « entre » ses pattes pris au mot, sent le fauve avec caché derrière, une odeur douteuse de naissance obscure. Qui est maintenant sous mon ventre ? Surprise, qui a fait un enfant dans mon dos ? Une sortie, jusqu’à l’arrêt, mine de rien, qui menace le siège de l'autorité ou de percer le secret du fondement du pouvoir - un trou à rat ? Insister serait malséant. Culotté, le rat ? Avec La Fontaine, il se retrouve seul accusé du crime de lèse-majesté, comme la petite bête qui monte ? En groupe scélérat chez Ésope ! En cas de panique, assiégé par les rats, quelle issue de secours ? Le roi des animaux sait–il ce qui avait échappé à son regard et ce qu’il a entre les pattes ?

Le seul poids d’une seule patte sans les griffes du lion suffirait à peser lourdement sur la gravité de la situation... Patte peut-être maladroite, imprécise, négligente, avisée ?... Dans un face à face où il ne reste pas de glace, le retour d’un regard devient source de réflexion. Éblouissement, vertige, vacillement de la raison, révélation, inquiétante étrangeté, découverte où ils se perdent ou se retrouvent : re co-naissance : retrouvant au fond de soi, dans une mémoire, un soi petit dans un plus petit que soi, tout petit, au risque de s'emmêler les pattes.

Pour un peu, il l’aurait étouffé, et sans quelque sentiment maternel, le prendrait–il pour un petit après l’avoir senti dans son giron ? D’avoir partagé son intimité... une proximité intime... Un alius ou un alien ? La certitude urgente d’une présence invisible impossible à découvrir s’enfuit de la citadelle de la raison par le contrebas des fossés dans les marécages de l’aliénation. Ici, les débordements des sensations d’altérité ou leurs altérations ne sont pas encore du ressort de l’aliéniste. Un corps à corps avec une tête, quatre pattes et une queue est vite reconnu.

Oui : Il est fait comme un rat... Des soucis sur son sort, oui... Qui entre dans ses pattes, en dernier ressort en traînant la patte ou remis, en liberté ? Mais le rat n’a pas les petits charmes émoustillants et la grâce d’un petit rat, l’agilité et la fragilité qui poussent à sourire de la souris. À voir sa tête, sans y regarder de très près, souris, rat, pas sûr ? Surprise, répulsion pour cet offenseur ?

L’abattre serait facile, sa répugnance, son refus de se battre pour s’en débarrasser dépassera son mépris et sa méprise dans un sauf-conduit indulgent, sans déroger, question de principe, à l’heure de la sieste. Pause.

En l’espèce, affaire de famille ou de génération ? Felis leo jouera-t-il de sa grandeur ou de sa nature ? Alors comment s’en sort qui se retrouve dans l’antre de ces pattes à l'adresse imprécise ? Le virage du sentiment au ressentiment pouvait frapper brutalement qui était senti ou ressenti comme alter plus ou moins ego en concurrence dans l’allure, la dépense ou la magnificence Grand Siècle. Et le rutilant panache ébouriffé porté aux nues avec un fulgurant ascendant par l’emblématique écureuil de Nicolas Fouquet, « Quo non ascendet ? » condamné en passant à découvert à une vie en cage à se ronger jusqu’à la fin de séjour en ce monde, avertit des utilités souterraines à pouvoir conserver une queue-de-rat par devers soi.

Imaginer cet être mineur, petit, ce rat, un enfant, un descendant ? Mis à bas malvenu, cet avorton ! Impossible de se reconnaitre dans ce raté, minable qui jamais n'arrivera à être comme son père... La répétition par une mise en abîme ad infinitum à l'identique n'est qu'une vue de l'esprit et une impasse : la procréation passe à travers une redistribution des gènes qui fait recréation. Avec les surprises et les doutes touchant à l'identité ou la continuité. Dans le jeu de miroirs, à la réflexion, en reconnaissance, « il lui donna la vie », il se montra « généreux ». Si petit, un vrai semblable ment à un autre, mais à qui ? Comment retomber sur ses pattes ?

Felis leo, grandeur nature ? Pose. Il est déjà dans son monde et l’autre n’est pas de son monde, il aurait pu, d’une patte, l’expédier dans l’autre monde, l'envoyer aux enfers, il n’a rien à en faire, du rat. Affaire à ce rat, avoir affaire avec ce rat ? Un grand ne saurait être commis avec un rat. S’y entend : le lion est le roi. Mais en parole, entre un rat ou un roi, la différence ne tient qu’à la place d’un « ou » prêt à se mettre au milieu pour se faire entendre, faute d'être en vue ? Oui, un personnage de l'image soucieux de son rang de star, dans une suffisance à ne rien faire, car il n’est jamais aussi bon que quand il ne fait rien, entouré de pellicule en couronne, avec ses rugissements bien entendu, sage comme son image, enfermé dans le cadre des débuts de représentation avec un rôle de premier plan comme héraut du cinéma. Tout ce qu'il n'a pas pris sur le champ c'est donné, sorti de sa réserve voilà l'indiscutable générosité du lion. Et la qualité supérieure rend la quantité négligeable ? Pause.

Un conte, où le rat compte encore : le pouvoir de la production et de la reproduction de l’image peut être un piège, et à la fin, décompte des pertes, dépens, obligations ; rats quêteurs et rataplan. Dans les vingt dernières années du siècle précédent, au centre d’une affaire capitale pour le rayonnement de la capitale des Gaules, le crédit du lion a perdu sa superbe, ligoté par les dettes contractées pour étendre sa renommée avec les bénéfices d’une image péplum de sa griffe au cinéma. Et les rugissements qui ont accompagné les débats, les procès et les poursuites des créanciers internationaux (les traders rient des rats) n'ont qu'en partie évité un dépeçage entamé pendant que le rat épargnant maille par maille contribuait discrètement, à le sauver d'une liquidation complète.

Découvrant encore le rat et l’épargnant, le lion se montre généreux : facilitant la vie de la génération montante, obligeant en l’occurrence et facile à vivre. Trouver sa place ou la retrouver dans ce monde ou celui des fables reste une question vitale. L’indulgence sied dans un conflit de génération.

Les lions, surtout connus pour une crinière buissonnante arborée, et c’est bien le seul côté fourré du pelage assez ras d’un fauve poussiéreux étalé dans le paysage pelé d’une savane très clairsemée, étaient loin de se trouver « au sortir des forêts » primaires, au fond des bois archaïques sombres où le loup emportait l’agneau sans autre forme de procès-verbal.

Alors comment s’y retrouvent ils ? Et nous avec, sans licence dans l’origine des bois, fantaisie des vers dans les bois et des chutes dans les vers, arrimant ici des rêts véritables aux forêts à venir du bois sacré du cinéma hollywoodien et fourrés d’essences impénétrables garantissant déjà l’impossibilité d’en sortir même à contresens, en mélangeant inextricablement les fibres naturelles aux artifices dont ce piège va se boucler et se nouer.

Cependant l’attention tient la corde alors que le fil de la fable se déroule.

Épreuve pour les prétentions tombant de haut, et la résistance des liens qui l’assurent, le lion pris au piège est aux arrêts, en boule emballé, ligoté, les jarrets enserrés dans les rêts du filet, ficelé dans l'inextricable sac de nœuds du piège refermé.

Complètement impotent, là à se ronger, et dans la nécessité, le lion devenu un nécessiteux, sent le renfermé. Et tout ce qu’il peut faire, à rester ainsi, il ne va pas tarder à le sentir, et son entourage aussi, qu’il est dans le besoin... Le lion ne s’en sort plus, il est perdu, gâteux déjà ?

Où se joue l'opéra bouffe de la vie, fin de spectacle dramatique, l’action s’assombrit encore sous la voûte du théâtre du palais, et pour croquer rapidement la scène, même si la canine se découvre bien dans son rôle de l’acmé, la place des incisives reste aux premières loges. Leçon de l’évolution, les grandes canines ne remplacent pas les petites incisives. Les passions exaltées par les jeux de langue accélérant sensiblement le recyclage, l’incisive du temps peut encore ronger la trame de l’histoire et les liens à débrouiller qui nous relient tous au-delà du présent visible ou du conscient.

Avec les dangers auxquels sont exposés les isolés, mieux vaut encore faire confiance à des rejetons dans lesquels on se reconnaît à peine, dans une vie où en permanence, ceux qui montent en croisent d’autres dont les capacités se réduisent, et où des services plus ou moins imprévus se rendent au passage entre générations, des grands aux petits comme des petits aux grands dans des obligations mutuelles.

Mais qu’exclament les rugissements le lion ? Le lion hèle le rat. Pas au futur mais à l’instant : interrogation surprise sur cette conjonction entendue, resurgie si longtemps après le début de la fable, un appel sonnant le rappel d’un lien. Il le hèle, mais l’a-t-il nommé pour autant ? Il l’a connu, certes une relation, mais l’avait-il reconnu, identifié, l’avait-il appelé par son nom ? Reste une connivence. Bien compris, le lion a perdu son air important, impotent en effet, et imposant un transfert des pouvoirs sur le champ avec promotion immédiate à ce titre de sire rat, qui accourt en retour.

L’étourdi prendrait encore à contresens une voie sur la place des mots où l’ordonnancement des statuts peut ouvrir d’autres perspectives ? Enfin, l'angoisse d'être seul désarmé face au monde plein de dangers fait espérer des parents protecteurs tout-puissants et être l'enfant du roi et de la reine. On ne tarde pas quelques années plus tard à déchanter en voyant les évidentes limites de ces finalement médiocres personnages à l’esprit aussi étroit et vétilleux qu’autoritaire. Les mêmes à avoir laissé échapper un « Sale rat ! » en réponse aux cris débordant une insomnie de tout-petit. Alors pourquoi pas, à essayer d'imaginer un moyen possible de se débarrasser de leur oppression, fût-ce par quelque meurtre éventuel, dont le pouvoir de les avoir sauvés affranchirait enfin en conscience, de toute dette à leur égard ? Ce filet pourrait bien être attaché et tenir à des arbres généalogiques et aider à reconnaître des rêts véritables cachés au milieu des forêts. L’indulgence reste de mise dans un conflit de génération. Et suivant ses antécédents, en s’aidant de ses dents, les mailles cédant en excès dans le filet, le rat délie le lion excédé à temps sans hésiter ni mâcher ses mots.

Par quel bout prendre cette fable aux deux morales, situées aux extrémités sans que le passage de l’une à l’autre soit bien assuré ?

Rappeler la magnanimité au puissant, c'est aussi à l'inverse ouvrir l'esprit à son enfant en apparence si démuni, pour l'assurer qu'il peut en sauvant son parent, devenir lui-même un roi à l'égal du lion, en actualisant le sens obscur de l’archaïque quatrième commandement : « Honoreras père et mère ».

Alors ce rat, par des voies différentes faufilé dans le filet, va se montrer à la hauteur – l'esprit de famille, et s’attacher sans s’embrouiller à ronger petit à petit, maille après maille, sans s’épargner les liens aux sens trop serrés noués entre des mailles bloquées ; il a la pratique du métier, avec une navette rendant du jeu au sens et du sens au jeu. Mais ces ficelles sur les doubles sens sont déjà visibles comme des cordes ? C’est assurer la sécurité dans le déplacement dans tous les sens pour progresser dans cette course d’arête sans céder au vertige que d’être encordé.

La langue est glissante, et ce sont ces renvois qui assurent pour passer dans les difficultés, les doubles sens, la circulation du sens et un sens de circulation ; et celle des sens nouveaux au-delà, au risque de s’y piéger, bloqués dans des expressions à sens unique de mots ou d’images. Et à pouvoir parcourir des espaces de sens ouverts à l’imagination et au rêve déjà aperçus sans pouvoir s’y rendre sans risque de s’y perdre.

Glissement du sens où s’entend autre chose que ce qui s’écrit, avec les sons et les jeux de mots de leurs associations apparaissent ou s’évanouissent, avant la cacophonie caractérisant le fatras de leurs noms pêle-mêle, homophonies, diphtongues, allitérations, métaphores, néologismes, condensations, élisions, permutations, coquilles, lapsus, erreurs et anagrammes. Lettres furtivement déplacées, permutées, inversées, à toutes les modes que suit la langue, les progrès, les fuites, les travers, les oublis, les réparations ou les déformations des connaissances.

La langue, alors, est le fromage du rat : en une syllabe, il a fait son trou, on l’y entend et l’y trouve partout ! Passé par ici, il repasse, rat, par là, et à nous de le suivre dans ces ouvertures, vasistas ou soupirails éclaircis par d’autres lumières...

Qui pense au futur, ou à y élargir son empire, aura à tout bout de champ, sur le bout de la langue, ce rat appelé par une simple syllabe. Et le voilà partout, dans le futur de la langue, le rat s’est taillé la part du lion, ce que tout lion un jour finira par entendre. La petite bête se montre partout à ce sujet, en prêtant l’oreille pour entendre parler de l’avenir au singulier, le futur parlera par le rat, en tous sens, parle le rat. Alors lancer une opération de dé-ra-tisation dans le futur de la langue serait des plus hasardeux, la troisième et même la deuxième personne éprouveraient de la difficulté au singulier à s’y reconnaître.

Mais qui pense au futur, au rat, en ménageant ça sans « t », depuis son plus jeune âge à tout bout de champ pourra l’entendre ou voir indiquée une issue cachée.

Et qui creuse, rat ? Sans permission, des galeries, des souterrains de communication étayés de mots sortis des courts circuits étincelants des cours de récréation ?

Que tout lion finit rat peut s’entendre à demi-mot sans faute d'orthographe ? Mais quel rat finit lion ? Pour qui se fait l’aidant sur les pièges de la langue, ce filet ne garderait pas maille qui vaille et ne vaudrait pas un clou, s’il ne résistait pas plus aux accrocs d’une canine léonine qu’un banal tricot, si une seule maille filée peut emporter tout l’ouvrage.

Le cordage filant sans retenue de ses mailles précipite la chute rapide spectaculaire de la fable, sans égard au sens du lien avec la morale qui suit, mais il peut servir encore de guide : où est passée la longueur de temps, et la patience, si le rat, qui ne perd pas son temps, accourt immédiatement ? Passer à travers les mailles du filet et en ronger une seule ne prend guère de temps à un rat empressé. Qui peut paraître long au lion. Le nœud de l’affaire tient dans les mailles bloquées, et les ronger, un jeu de patience dont se joue le rat pour parvenir à son dénouement, l'élargissement du trou, et du lion.

« Patience et longueur de temps » n'ont pas l'occasion de se voir si les mailles ont déjà filé, sans même avoir été tirées par « plus que force ni que rage » ? Et cette morale finale de la fable, spectaculairement précipitée, se retrouve agrippée au bord d’un vide de sens. En s’accrochant ici précautionneusement à ses prises, la patience de comprendre, avec le temps de relier, réussit à aboutir, là où isolée dans la conviction forcée des coups de « que » répétés, la violence s’épuise dans la rage impuissante, une incapacité brute à comprendre, jointe à l’acharnement aveugle, trop facilement appelée « bêtise », dans ses errements.

Prendre le temps de comprendre. Le temps d’un arrêt dans cette course, le chemin accidenté traversé par la relation entre un lion et une minuscule créature, s’approche au passage d’un sommet isolé et élevé de la morale, à garder en vue pour s’assurer et se guider : « Un bienfait n’est jamais perdu » et un bienfaiteur s’y retrouvera toujours. Voire. Ces mêmes impératifs élevés imposant de rendre service en retour, dévoyés dans la tourmente des compromissions par la corruption servent à l’extension de réseaux mafieux pour tomber dans l’abîme des sociétés de crime organisé.

Obliger tout le monde, un système relationnel qui dépasse la causalité linéaire pour entrer dans les rondes d’interactions régulées par des actions en retour, et la causalité circulaire important dans les boucles qui stabilisent « la machine ronde », enfin désignée homéostatique avec la cybernétique découverte par Norbert Wiener, et des fractales par Benoît Mandelbrot au milieu du XXe siècle, qui ont permis une meilleure compréhension de fonctionnements remarquables en jeu dans
     « Une ample Comédie à cent actes divers,
     Et dont la scène est l'Univers,
     Hommes, Dieux, Animaux, tout y fait quelque rôle ».



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