Le Corbard et le Renaud
Un corbard sur un arbre, un jour était perché
Se vantant ne rien foutre de toute sa journée,
Sinon lissant sa plume et soignant son ramage
Des becquées parfumées, d'un très coulant fromage.
Un lapin qui passait voyant le bel oiseau
L'interpelle en ces mots " Ô Corbard, ô très haut
Comment puis-je, moi aussi, poser dès le matin
Ainsi que tu le fais, au frais dans le jardin,
Rien branler tout le jour, rien branler jusqu'au soir,
Bien loin des imbéciles, là haut sur ton perchoir,
Tandis que les grouzniaks s'agitent dans le coaltar ?
Alors maître Corbard, tout noir dans son costard,
Lui tint ce beau discours: "Garenne, mon lapin
Je reconnais en toi le stressé du turbin,
Celui qui dés l'aurore se remet le licou
Et court comme ces casse-cous, se faire farcir le chou.
Ici et alentour : c'est Calme et Volupté
Ici, on a toujours le temps d'un ptit café.
Viens donc faire comme moi, comme un vrai Ivoirien
S'efforcer de Rien faire mais de le faire bien !
A ces mots, le Jeannot, déjà très convaincu,
à l'ombre du bouleau, s'en vient poser son cul,
Et l'herbe étant propice, il pique un petit somme.
C'était le paradis mais bien avant la Pomme !
Hélas en ce bas monde les tenailles de la Faim
Poussent tout un chacun, à lutter pour son pain !
Et Renaud le Goupil, en renard affamé
Rêvant d'un gros burger au fromage renommé
Courait depuis matin à travers le hallier,
Sans trouver même une frite pour caler son dentier.
Tout à coup sur le pré, -qui vois-je ici paraître ? -
Un lapin endormi, sous l'arbre du grand Maître:
Sans tambour ni trompette, le Crime fut consommé
Et Renaud par Corbard ne fut pas même sommé
De payer, en regrets, une telle violence.
" Adoncques mes amis oyez cette sentence :
Pour rester bien calés, et à ne rien branler,
Il vous faut, en tout cas, être très haut placés. "
Jean-David Ohana